Dans les religions abrahamiques, la gourmandise est opposée aux enseignements de modération. Dans la religion chrétienne, la gourmandise est un des sept péchés capitaux et s'oppose à la tempérance.
Au XIXe siècle, des Français établissent une distinction entre gourmandise et goinfrerie, considérant la première comme une qualité, la seconde comme un défaut.
La gourmandise se distingue de la boulimie en ce qu'elle est associée au plaisir suscité par la consommation des aliments et n'est pas pathologique.
La gourmandise chez les Anciens
Aristote, dans analyse des vertus théologales héritée de Platon, associe la gourmandise à un vice opposé à la tempérance et qu'il reproche particulièrement aux enfants.
Selon l'épicurisme, la gourmandise, et en tant qu'elle habitue son sujet à un plaisir non nécessaire, s'oppose à la recherche du bonheur et à l'ataraxie. Varron défend la position d'Épicure en la matière : « Il ne ressemblait pas à nos débauchés, pour lesquels la cuisine est la mesure de la vie. »
La vertu
Étymologiquement, gourmandise vient de gourmand, et le gourmand est généralement défini comme
1- quelqu'un qui mange avec avidité; qui aime les bons morceaux
2- quelqu'un qui est avide de connaitre; qui aime
ce qui démontre l'ambivalence du terme.
Émile Littré annonce comme synonymes : « GOURMAND, GOINFRE, GOULU, GLOUTON. Le défaut commun exprimé par ces termes est celui de manger sans modération. Le gourmand est celui qui aime à manger. Le goinfre est un gourmand dont la gourmandise a quelque chose d'ignoble et de repoussant. Le goulu est celui qui jette dans sa goule ou bouche ce qu'il mange ; il n'y a pas dans ce mot l'idée de plaisir et de discernement en mangeant. Le glouton est celui qui engloutit, et est par conséquent très voisin du goulu. »
Péché depuis des siècles, la gourmandise devient vertu au XIXe siècle, grâce à la publication de La Physiologie du goût, Méditations de gastronomie transcendante de Brillat-Savarin. Dans le chapitre Méditation XI, il écrit :
« J'ai parcouru les dictionnaires au mot Gourmandise, et je n'ai point été satisfait de ce que j'y ai trouvé. Ce n'est qu'une confusion perpétuelle de la gourmandise proprement dite avec la gloutonnerie et la voracité : d'où j'ai conclu que les lexicographes, quoique très estimables d'ailleurs, ne sont pas de ces savants aimables, qui embouchent avec grâce une aile de perdrix au suprême, pour l'arroser, le petit doigt en l'air, d'un verre de vin de Laffite ou du Clos-Vougeot. »
« Ils ont oublié, complètement oublié la gourmandise sociale, qui réunit l'élégance athénienne, le luxe romain et la délicatesse française, qui dispose avec sagacité, fait exécuter savamment, savoure avec énergie, et juge avec profondeur : qualité précieuse, qui pourrait bien être une vertu, et qui est du moins bien certainement la source de nos plus pures jouissances. Définissons donc et entendons-nous. »
« La gourmandise est une préférence passionnée, raisonnée et habituelle pour les objets qui flattent le goût. »
« La gourmandise est ennemie des excès ; tout homme qui s'indigère ou s'ennivre court risque d'être rayé des contrôles. »
« La gourmandise comprend aussi la friandise, qui n'est autre que la même préférence appliquée aux mets légers, délicats, de peu de volume, aux confitures, aux pâtisseries, etc. C'est une modification introduite en faveur des femmes et des hommes qui leur ressemblent. »
« Sous quelque rapport qu'on envisage la gourmandise, elle ne mérite qu'éloge et encouragement. »
(Suit l'étude de la gourmandise sur le plan physique, au moral, en rapport avec l'économie politique, la fiscalité et le pouvoir...)
Alexandre Dumas père indique aussi dans son Grand dictionnaire de cuisine :
« A côté de cette gourmandise, qui est celle des estomacs robustes, il y a celle que nous pourrions nommer la gourmandise des esprits délicats : c'est celle que chante Horace et que pratique Lucullus ; c'est le besoin qu'éprouvent certains amphitryons de réunir chez eux quelques amis, jamais moins nombreux que les Grâces, jamais plus nombreux que les Muses, amis dont ils s'efforcent de satisfaire les goûts et de distraire les préoccupations. C'est, parmi les modernes, celle des Grimod de la Reynière et des Brillat Savarin. »
Une vertu sociale
Charles Fourier affirme qu'« aucune passion n'a été plus mal envisagée que la gourmandise » et affirme que Dieu a assigné un rôle éminent à cette qualité dans le mécanisme qu'il destine aux humains. Il souligne que la gourmandise n'est affaire de oisifs, de dépenses et d'excès que parce qu'elle n'est pas liée directement à l'industrie et au producteur qui ne peut y gouter. Fourrier s'étend abondamment sur la vertu de la gourmandise en tant que premier moyen éducatif destiné à améliorer le fonctionnement de la société. Dans son régime utopique, « le plupart des vices dégradants selon nos meurs, comme la gourmandise, deviennent voie d'émulation industrielle, de sorte que les raffinements gastronomiques y sont encouragés comme ressorts de sagesse ».